La scène se déroule à Demeure.
Il est seize heures de l’après-midi au temps du Méridien
d’Isis(temps légal démocratique)
Les étudiants discutent dans les couloirs. La fourmilière
vit avec sa naturelle effervescence. Seuls les Maîtres paraissent
inquiets. Cylt discute avec Argentius. Argentius porte des Ray-Ban et un
baladeur japonais sur les oreilles. Il était revêtu
de son costume de grand chef guerrier d’une autre époque...
Scène I
_Cylt : « Cela fait une semaine que ce vieux fou d’Aryaman n’est
pas sorti de son laboratoire. Je me demande si la mort de Sutekh ne lui
a pas frappé un peu fort sur la tête. Et son idée de
se retirer... Quelle folie ! Quelle idée de vouloir prendre sa retraite
! à son âge ! Comment peut-il laisser les armes de coté
alors qu’il reste tant de combats à mener ! Et à quoi servira
toutes ses connaissances si ce n’est pas pour nous servir !.... »
Argentius l’écoutait avec l’air songeur habituel de celui qui
laisse d’abord parler les autres.
_ « Il est bien vieux. Nous ne pouvons pas aller à l’encontre
de sa volonté. Nous ne pouvons que la respecter. Ce n’est pas à
son âge qu’on pourra refaire son éducation. Je te rappelle
qu’il est né guerrier dans un clan irlandais. Je ne te ferais pas
l’affront de te raconter la façon de vivre particulière de
ces barbares à cette époque. Je dois bien avouer que j’ai
essayé bien des fois de forcer la porte de son laboratoire. En vain.
C’est Brendan qui m’a expliqué que la protection repose sur son
propre Ren et de celui d’Aryaman. Ils ne sont que deux à pouvoir
y entrer. Bien sûr, Brendan court dans tout les sens, mais ne dit
pas un mot... »
_ « Brendan a bien du courage de suivre son père dans
ses conditions. C’est terrible de l’accompagner ainsi. En plus il semble
amusé de voir notre désarroi. Quelle famille de fou ! »
_ « Mais le voici qui arrive ! discutons d’autre chose pour ne
pas éveiller ses soupçons... »
Sur ce, Argentius passe le casque de son walkman autour de la tête
du garou qui se met immédiatement à danser une gigue frénétique.
« Baisse donc le son, abruti ! tu vas me rendre sourd ! »
Brendan apparaît au bout du couloir avec ses deux acolytes, portant des vieux tomes poussiéreux. Il aperçoit ses deux oncles, s’arrête, sourit et s’approche.
_ « Mes oncles... »
Brendan effectue une révérence comme lui seul savait la faire. Ces manières avaient le pouvoir de gêner les fils de Khayman. Cette marque de respect était à la frontière entre l’effronterie et la politesse. C’était un jeu que lui et son père paratiquaient avec une certaine joie...
_ « Ne vous fâcher pas. Je n’ai rien de nouveau à vous dire. Je continue à respecter la parole que j’ai faite à votre frère. Ne m’en voulez pas. Mais je puis vous dire que votre curiosité se verra bientôt apaiser... Patience mes oncles, patience... »
Sur ce, le jeune barde rejoint ses deux compagnons, et s’en va en direction
des salles de son père. Les deux vieux buveurs de sang se regardent
les yeux dans les yeux. Pour la première fois, Brendan leur annonce
la fin du suspense.
Après quelques secondes de réflexion commune, les deux
compères se mirent à courir dans les allées, bousculant
les goules qui se trouvaient sur leur chemin. Ils ne s’y trompaient pas.
« Bientôt » dans la bouche de ce gars là,
voulait dire très bientôt... Comme de véritables gamins,
le mage et le garou, comme les appelait Brendan, traversèrent l’intégralité
de Demeure en criant « Ca y est ! Ca y est ! »
En très peu de temps, l’ensemble de la famille se retrouvait
devant la porte de marbre rose du laboratoire hermétique ...
Il y avait là Aurélius, qui se demandait ce que ces portes
pouvaient bien protéger.
Cylt et Argentius reprenaient leur souffle en apparence, après
avoir bien rient de leur course enfantine...
Khalentos observait, comme d’habitude le comportement idiot de ses
deux frères, en se rassurant que peu de témoins pouvaient
observer la scène actuelle. La réputation de la maison
des fils de Khayman en aurait été altérée...
Deirdre pouffait légèrement, la main droite devant sa
petite bouche rose, en arrivant peu après le reste de la troupe.
Les singeries de son père provoquaient en elle toujours le même
désir de rire aux éclats...
Cylt n’y tenant plus se pencha sur l’entre-deux portes pour essayer
de voir quelque chose d’inhabituel...
A ce moment la porte s’ouvre majestueusement et le garou s’étale
avec grâce sur le sol. Un bruit sourd s’échappe du sol...
-« Personne n’aurait vu ma lentille de contact par hasard...
? » lança Cylt à l’assemblé qui restait là
sans bouger.
Cylt tournait le dos au laboratoire, et compris vite que les autres avaient été interpellé par ce que le laboratoire gardait secrètement enfermé. Il se retourna et vit Aryaman, sur son fauteuil de travail, accompagnés par ses ushabtis qui finissaient de placer les sièges en arc de cercle devant lui. Il n’y avait pas d’encens dans la pièce, ce qui signifiait que le maître de ces lieux ne travaillait pas sur un rituel à l’heure actuelle. La pièce était parfaitement rangée. Le bureau en chêne était pratiquement nu, ce qui n’était pas normal pour un poste d’étude du thaumaturge. La température était dans cette pièce un peu plus basse que partout ailleurs à Demeure. Ceci non plus n’était pas courant, car ici tout le monde savait qu’Aryaman aimait à travailler à la chaleur d’un bon feu. Le crépitement des flammes lui tenait compagnie pendant ses longs moments de réflexion, pendant lesquels il cherchait des solutions à ses problèmes.
Brendan sortit de derrière un lourd rideau de velours bordeaux.
On savait que derrière ses tentures se trouvaient des portails pour
les caches que le «misanthrope » possédait à
travers l’Umbra et sur terre. Dieu sait d’où pouvait revenir ce
petit joueur de musique...
Il y avait dans la pièce un fauteuil pour chacun. Le plus imposant
était celui qui était réservé à Khayman,
qui était alors absent. Il y avait un fauteuil sur le coussin duquel
se trouvait une rose rouge qui dormait. Il y avait une place pour chacun
des membres de la Famille encore de ce monde ou disparu. Chacun pouvait
en observant, retrouver la place qui lui était réservée.
Cylt ne put s’empêcher de s’asseoir sur le fauteuil qui comportait
une console de commande de Golgoth. Argentius lui fit remarquer avec justesse
la présence d’un vieux tapis qui serait tout à fait capable
de recevoir avec humilité ses nombreuses puces...
La présence de ses deux énergumènes dans la même
pièce avait toujours été synonyme de bouffonerie.
Brendan invita les hotes à s’assoir et parla quelque peu à l’oreille de son père.
On vit le fauteuil d’Aryaman pivoter sur son axe, et les invités
aperçurent avec effroi Aryaman plus stoïque que jamais. Son
visage avait l’air sans émotion, vide de tout. Ses yeux fixaient
l’espace qui le séparait de ses frères. Il n’y avait pas
un muscle qui tremblait sur son visage. Le groupe de mages se demanda très
vite ce qui pouvait bien se passer ici, dans cette pièce. Aryaman
pulsait de Sekkhem, d’une manière éblouissante. Argentius
eu du mal à percer la raison de cette énergie inhabituelle.
Puis tout d’un coup il se leva en projetant en arrière son fauteuil.
Le meuble de bois plusieurs fois centenaire se brisa net contre le mur
qui se trouvait à quelques mètres de là.
« Brendan ! , Démon ! Où se trouve Aryaman ? !
Et qu’est-ce donc que cette pâle copie ! Réponds avant que
je ne t’écrase ! »
La colère montait très rarement en Argentius. On pouvait
apprécier le mage excentrique pour son calme et sa réflexion,
mais cela renforçait d’une manière considérable
ses très rares coups de violence.
Brendan surpris par la puissance de l’intervention d’Argentius se trouva pendant quelques secondes sans pouvoir réagir. La force de la génération de son oncle avait submergé toute la préparation à laquelle il s’était exercé. Son père lui avait pourtant bien dit : « méfie-toi d’Argentius. il sera le premier à réagir. Il n’aimera pas ce qu’il verra. Il ne voudra d’abord pas l’accepter. Il cherchera milles et une solutions qui pourraient expliquer ce qu’il aura devant les yeux. Puis une fois qu’il aura tout compris, toute la peine qui déferlera en lui explosera sur toi. Prépare toi a subir un assaut. Il te demandera des explications. Alors tu pourras expliquer aux autres ce qui se passe réellement dans ce laboratoire... »
Argentius se tenait debout devant son siège renversé.
Une perle de sang venait de poindre a son œil gauche.
Il pointa violemment du doigt Aryaman, et dit dans un sanglot :
« Qu’est –ce que cette chose ? Qu’est-il advenu d’Aryaman ? Parle
! »
Brendan réussit à reprendre ses esprits et s’installa près du fauteuil de son père.
« Aryaman est mort à l’heure où je vous parle. Khayman est a ses cotés, et l’accompagne pour son dernier voyage. Il se trouve actuellement en compagnie de Moïse Maémonide. C’est lui qui a rendu son humanité à mon défunt père. Il repose dès maintenant dans le tombeau qu’il a confectionné pour lui et ses deux fils tombés sous les armes de Sutekh. »
La froide ambiance de la salle commença à pénétrer
les veines des spectateurs immobiles.
Argentius se tenait toujours debout et écoutait les paroles
de Brendan. Cylt ne semblait pas réagir. Aurélius non plus.
Deirdre ne pu se contenir, et se mit à pleurer.
Brendan reprit la parole.
« Ne pleure pas, cousine. Et nous tous, ici présent, réjouissons-nous de la fin que mon père a tant attendue. Nous savions tous à quel point son humanité lui était chère. Il m’a même confié qu’elle était un sujet de discussion entre lui et Khayman autrefois. Un peu comme un pari. Le poids des années n’a fait qu’amplifier ce désir, au point qu’il a accepté la mort ultime pour retrouver sa vie d’homme. »
« C’était son choix, sa volonté et son désir le plus cher. Il a fait ses adieux à sa tendre Nefer Méri Isis il y a de cela deux jours. Il a été cherché la bénédiction de Khayne hier. Luna lui a donné une pierre de lune pour l’accompagner dans son voyage. Il me fait vous dire que si son avatar venait a se réveiller, il rentrerait en contact avec vous. S’il venait à découvrir où vont les âmes des mages, il essayera de vous le faire savoir. Il a laissé une lettre pour chacun de vous. Les voici... »
Brendan après avoir lu un long discours que son père
avait préparer pour l’occasion, commença la lecture du testament
du défunt.
L’ambiance qui régnait alors dans la pièce était
glaciale. Chacun sentait le sang se geler dans ses veines. Les mots ne
seraient pas ici suffisant pour décrire ce que chacun ressentait.
La cérémonie dura ainsi pendant plusieurs jours.
Scène II
La Famille se retrouve autour du bureau en chêne du défunt
magicien.
La disparition du vieux vampire avait occupé la majeure partie
des discutions. Argentius prit tout d’un coup la parole et posa une question
« Explique nous donc la raison de la marionnette qui se trouve a tes cotés. »
Brendan s’inclina et s’exécuta.
« Ce que vous voyez ici, c’est l’ultime conception de mon père.
Je vous présente ce qu’il a appelé lui T-RAM. Il s’agit
purement et simplement d’un ushabti.
Le principe est simple. Après la mort de Sutekh, mon père
a décidé de sauvegarder tout le savoir qu’il avait accumulé
au cours de sa non-vie. Tout retranscrire par écrit aurait pris
un temps incroyable, et il aurait fallu une gestion titanesque pour pouvoir
s’en servir. »
Aurélius comprit alors les questions qu’Aryaman lui avait posées sur les bases de donneys.
« Aryaman était convaincu qu’il existait un moyen plus
subtil que la simple retranscription. Il partit à la recherche de
son avatar et discuta longtemps avec lui. Il rencontra Horus et Saqqhara.
Il rendit visite à Osiris et Anubis . A la fin de son périple,
il y a une semaine, il s’installa à son bureau et demanda à
ne pas être déranger.
Il m’appela pour l’aider dans son travail. Il n’avait pas le temps
de sculpter son image minérale. Le temps le pressait car il avait
convenu avec Moïse de la meilleure date pour son ultime rituel.
Il fit des découvertes incroyables sur le Ren-Hekau durant ces
quelques dernières semaines.
Il fit la découverte du vrai nom de sa mémoire éidétique.
D’ailleurs, T-RAM siginifie True-Ren of Aryaman’s Memory. Vous avez devant
vous la sauvegarde de la mémoire intégrale de mon père.
Vous pouvez lui posez toutes les questions que vous voulez. Il y répondra.
Aryaman l’a testé lui-même. Il fonctionne. »
A ce moment la statue inclina la tête et pris la parole.
« Membre de la famille, je vous salut. N’ayez aucune crainte.
Ce message, je l’ai enregistré pour vous. Ne soyez pas triste. Je
ne suis pas réellement mort. Je suis toujours présent dans
vos cœurs. Tant que vous ne m’oublierez pas, il y aura toujours une part
de moi dans ce monde. Peut-être même reviendrais-je un jour.
Dans ce monde sombre, il ne faut jurer de rien.
T-RAM connaît toutes les anecdotes, toute l’histoire de notre
clan. Il connaît tout de moi et de vous. Du moins ce que je
savais de vous. Je vous quitte. Prenez soin de mon fils. Prenez soin de
vous. On se reverra avant la fin... »
Il y avait sur le visage de la statue un sourire qui fit croire un
instant qu’Aryaman se trouvait en face de ses frères. L’émotion
était alors a son point culminant.
Il y eu ensuite une longue explication entre les fils et les petits-fils
de Khayman dans cette pièce. Une discussion qui dura pendant près
de trois jours.
Quand tout d’un coup, Aurélius prit la parole :
« C’est incroyable ce qu’il peut faire froid dans cette pièce
! »
Brendan, l’œil vif, lui répondu tout de go :
« Oh, excusez-moi, mon oncle, Prenons place dans la salle de
réunion. Ici la température a été abaissée.
Nous nous sommes aperçus, mon père et moi, que T-RAM chauffe
plus que prévu...
Nous avons donc décider de diminuer la température...»