Je vous parle d’une époque révolue où les dieux
marchaient encore sur terre. Je vous parle du sacrifice d’un chef pour
son peuple, de la trahison d’un frère envers son propre frère
et de la loyauté d’un fils envers son père.
Isis et Osiris venaient d’une famille divine. On les disait descendant
de Ra, le soleil éternel.
A travers eux, la bataille qui opposait Ra et Apophis dans leur combat
effréné dans le firmament allait se répandre et s’étaler
sur la surface meurtrie de la terre d’Egypte.
Osiris était alors le souverain d’Egypte, sage, fort et beau.
Il avait uni son peuple autour de sa personne comme autour d’un phare.
Il était aimé de son peuple et aimait son peuple en retour.
Isis, grande prêtresse, était la soeur et la femme d’Osiris.
Elle était l’incarnation du pouvoir solaire et usait de sa magie
pour le bien de son peuple.
L’équilibre de Maat était respecté.
Mais une vipère avait fait son nid au sein de la cour du roi.
Son jeune frère Set convoitait secrètement le pouvoir du
trône. Il ne désirait pas prendre la place de son frère
et régner ainsi pour le bien de son peuple, mais au contraire profiter
de sa position pour l’exploiter et l’asservir.
Le complot fut mis à jour et Set fut condamné à
l’exil au-delà des terres d’Egypte.
« Jamais plus tu ne reverras le soleil de ton pays natal
! » lança Osiris à l’attention de son frère.
Ainsi fut restauré la paix de Maat sur les rives du Nil.
C’était le temps des dieux et des rois, et la terre enfantait
des montagnes de richesses pour son peuple.
C’est alors qu’apparut l’Etranger...
Son nom est toujours resté un mystère même pour
les plus éveillés d’entre nous.
Il était blanc comme la lune, froid comme l’hiver. Sa peau avait
la finesse du marbre et ses yeux avaient l ’éclat du diamant. Sa
beauté avait quelque chose de surnaturel. Malgré cela, le
seul sentiment qui transpirait à travers sa contenance était
la cruauté.
Il vint un soir, demander audience auprès d’Osiris.
Les prophètes, ne connaissant pas sa vraie nature, pensèrent
qu’il était un dieu venu l’entretenir de la direction de son pays.
Osiris l’accueillit en son palais et l’écouta avec intérêt.
L’Etranger lui parla d’un avenir incertain au cours duquel une guerre
sombre sans précédent engloutirait l’Egypte tout entière.
Au mépris de l’avis de sa femme et de ses conseillers, il accorda
alors une audience en particulier à son invité. Ainsi tout
au long de la nuit, ils discutèrent en secret jusqu’à l’aube.
Après le départ de l’inconnu, Osiris resta seul et triste.
Durant quatre nuits, l’Etranger vint et parla au roi, chaque fois la
nuit entière. Chaque fois en partant, laissant Osiris un peu plus
en détresse. Au matin de la quatrième nuit, on retrouva le
roi malade sur le sol de sa chambre, pale comme la nuit, vidé de
son sang.
Etait-il mort de sa vrai mort et ressuscité du monde de l’au-delà?
On ne le sait pas. Toujours est-il qu’après sa convalescence, il
était aussi froid que l’Etranger.
Bien que déjà fort, il devint encore plus fort. Bon orateur,
il subjuguait encore plus son peuple.
Il revendiquait un pouvoir direct sur le Nil lui-même. Et effectivement
les récoltes furent plus généreuses et une pluie miraculeuse
épancha la terre. Le peuple voyait maintenant en lui l’incarnation
de Ra.
Mais en choisissant ainsi la vie dans la mort, il rompait l’équilibre
de Maat. Il n’était plus le même avec Isis. Osiris s’entoura
d’une cohorte de soldats s’abreuvant du sang de ses veines, gagnant ainsi
de sa force. Parfois même devenant identique à lui, bien que
moins puissant.
Osiris parlait toujours de la pénombre qui allait survenir et
cela le rendait de plus en plus triste, nuit après nuit.
Dans l’intimité de sa couche, il parla à sa femme et
lui avoua la présence en son coeur meurtri d’une bête assoiffée
de sang, contre laquelle il devait lutter à chaque instant. Il se
renfermait de plus en plus sur lui-même pour contrôler cette
bête, nuit après nuit, à force de volonté
et de sagesse.
A cette même époque apparut un autre inconnu. Il se faisait
appeler Thoth.
Thoth avait la même beauté que l’Etranger, mais il rayonnait
de bonté et de gentillesse. Il refusa de demander audience au roi
car celui-ci n’aurait rien accepté de lui.
Il enseigna les principes d’une magie puissante, l’Hékau, à
Isis et à Nephthys, la soeur et la femme de Set. Thoth était
un homme honnête, et rigoureux. Isis refusa l’offre de Toth de devenir
comme son mari. Elle voulait restaurer l’équilibre de Maat.
Alors, après plusieurs nuits de travail et d’enseignement, il
disparut comme il était venu.
C’est alors que Set réapparu à la cour d’Osiris.
On ne sait rien de l’exil de Set mais on sait qu’il subit le même
sort que son frère. Mais contrairement à Osiris, Set ne contrôlait
pas la bête en lui mais la laissait le dominer. Car il était
devenu un fidèle d’Apophis, n’écoutant que sa vanité
qui lui disait qu’il était maître de lui-même.
Une nuit, alors qu’Osiris revenait des landes sauvages, un de ses serviteurs
lui présenta un nouveau sarcophage d’or pur et de bois odorants.
Il s’allongea pour se reposer de son long voyage. Les serviteurs qui avaient
été pervertis par Set refermèrent le sarcophage et
Set lui-même surgit de l’ombre pour emprisonner son frère
au moyen d’une formule magique.
Il le fit jeter dans le Nil.Enfin Set pouvait savourer sa vengeance.
Nephthys, Isis et son fils Horus s’enfuirent pour échapper à
Set et à sa tyrannie.
Ils trouvèrent refuge dans l’île de chemsus, protégés
par des hommes-crocodiles,les mokolës, et des hommes-chats,les bastets.
Isis à l’aide de sa magie, retrouva le cercueil de son mari et le
libéra de sa prison. Mais avant d’avoir pu lui rendre ses forces,
Set apparu et déchiqueta le corps de son frère en treize
morceaux qu’il dispersa aussitôt sur toute l’Egypte.
Pour se venger de cette rébellion, il emprisonna Isis, Nephthys
et Horus et les tortura pendant des nuits entières. Il arracha un
des yeux d’Horus, le forçant ainsi à se vider de son énergie
vitale. Il ne devait la vie qu’aux seuls efforts de sa mère pour
le maintenir vivant.
Ils furent libérés lors d’une bataille que livrèrent
les fils d’Osiris aux suivants de Set.
Les deux soeurs et le mourant furent emmenés dans la famille
d’un des officiers d’Osiris, mort au combat contre Set. Pendant plusieurs
semaines les réfugiés se reposèrent et se cachèrent
aux yeux de Set. Isis et Nephthys élaborèrent un plan pour
renverser Set.
Une nuit, Thoth apparue en rêve aux deux magiciennes et leur
révéla comment ressusciter Osiris.
Elles invoquèrent une nuée de créatures volantes
qui partirent à la recherche des restes du défunt Osiris.
Avec le retour des oiseaux, arrivèrent ceux des enfants d’Osiris
qui avaient survécu et qui attendaient dans l’ombre de pouvoir à
nouveau se battre contre Set.
Pendant qu’Isis et Nephthys chantèrent les incantations du rituel,
on sacrifia une chèvre et les enfants d’Osiris offrirent un peu
de leur sang pour rappeler leur Père à la non-vie.
Alors le corps martyrisé du roi-dieu réapparu sous les
yeux émerveillés du petit groupe.
Osiris se releva et majestueusement sourit à sa femme et à
son fils.
Il raconta avoir rencontré un passeur sur une barque du nom
d’Anubis qui lui enseigna bien des secrets dont celui de contrôler
la bête en soit. Ce savoir, il l’enseigna à ses enfants pour
que ceux-ci ne soit plus de simples soldats mais des guerriers qui pourraient
lutter contre la perversion de l’esprit qu’Apophis répandait sur
la terre comme une épidémie.
Il apprit aussi de la bouche d’Anubis le moyen de libérer Horus
de sa souffrance. Il offrit le grand rituel de momification à sa
femme et à Nephthys. Les deux magiciennes le testèrent d’abord
sur un vieux serviteur fidèle. Elles l’empoisonnèrent et
rappelèrent son esprit du pays des morts, avec succès.
Elles opérèrent le même rituel sur Horus et arrêtèrent
de soigner sa blessure. A l’aube, Horus était mort.
Le soir même, Set arriva avec ses fidèles serviteurs.
Le combat était inégal et l'issue était incertaine.Osiris
chargea Set dans un formidable élan de courage et la bataille fit
rage. Certains suivants de Set voyant Osiris fuirent de panique. Les hommes-crocodiles
et les hommes-chats moururent presque tous dans la fureur du combat.
Mais Osiris était encore trop faible et ne pouvait résister
aux assauts répétés de Set en pleine fureur. Le dieu
vivant devait bientôt s’effondrer sous la lame de son frère.
Il ne resta bientôt plus qu’Isis et le dernier des fils d’Osiris
:Khetamon.
Tous les deux, face à Set, savourant encore une fois sa victoire.
Isis fut jetée à terre et allait subir une blessure mortelle
quand soudain apparut Horus, revenu du pays des morts. Khetamon, voyant
que sa reine ne pouvait plus résister par sa magie, alla la mettre
à
l’abri de la fureur de son frère, pendant qu’Horus entama un combat
titanesque contre son oncle. Il détruit son propre oeil qui le maintenait
sous l’emprise du pouvoir de Set et subit de terribles blessures.Les deux
hommes se livrèrent un combat sans merci. Horus mourut une nouvelle
fois. Set se retrouva au sol, perdant tout son sang.
Il ne tarda pas à récupérer et assassina tous
ses serviteurs pour qu’il n’y ait aucun témoin qui puisse raconter
l’affront qu’il venait de subir.
Khetamon alla se réfugier chez les arpenteurs silencieux, les
hommes-loups du désert, et protégea Isis pendant la durée
de son répit. Ils attendirent tous deux le retour d’Horus.
Isis décida de former un culte de magicien contrôlant
l’Hékau pour lutter, à travers les âges contre les
suivants d’Apophis.
Khetamon enseigna chez ceux de son espèce le moyen de contrôler
la bête et continua dans l’ombre la bataille contre Set.
Horus réapparut quelques années plus tard
et continua la lutte à sa manière. Avec d’autres immortels
comme lui, confectionnés par Isis, il s’acharna contre Set. Il appela
tous les éveillés à son aide.
Ainsi Set se retrouvait-il contre un ennemi puissant et immortel qu’il
ne pourrait jamais détruire.
Les suivants d’Osiris reprirent du terrain sur la pénombre qui
enveloppait l’Egypte, et le pouvoir de Set commença à vaciller.
Et ce jusqu’à la nouvelle mort d’Horus.
Malgré-lui, il avait semé la division dans ceux qui suivaient
sa cause. Khetamon et les siens étaient de la même espèce
que son oncle, et donc marqués du sceau d’Apophis. Le culte d’Isis
ne représentait que des humains aux pouvoirs limités. Il
n’avait fois qu’en ceux, qui, comme lui revenaient du pays des morts. De
plus, la vision quasi divine de sa personne, ses prétentions sur
la terre d’Egypte et son peuple brisèrent la cohésion
contre Set.
Une nouvelle ère sombre allait s’abattre sur l’Egypte.
A nouveau, un Homme étrange s’inscrivit dans la marche de l’histoire.
Il se faisait appeler Khayman et comme Thoth, il venait pour redonner
vie à la lutte contre l’ombre d’Apophis. Il avait la carrure et
la prestance d’un chef de guerre redoutable.Khayman se differenciait d’Horus
par son retrait vis à vis du peuple égyptien. Il refusait
de diriger les affaires humaines. Par cette position, il s’opposait à
la volonté divine d’Horus.
Il fédéra contre Set une coalition qui allait au-delà
de l’Egypte et de ses frontières. Allant dans des contrées
jusqu’alors inconnues des mortels de l’époque. Il retrouva Ismaël,
un dissident d’Horus qui, tout en combattant Set, ne supportait plus la
dictature de son ancien maître, et avait été bannis
pas l’Immortel.
Un terrible conflit se préparait alors dans les plaines désertiques
qui bordaient le Nil.
Ce fut une bataille terrible que les mémoires ont oubliée
en espérant retrouver la sérénité.
Jamais autant d’éveillés ne moururent au même moment
pour une même cause.
A l’issue de cette bataille, Set et Khayman furent introuvables. On
ne retrouva aucune trace de leurs cadavres respectifs.
Khayman ne réapparut que bien plus tard, toujours aussi déterminé
dans son combat, mais étrangement plus sage face aux événements.
Comme s'il avait trouvé une paix intérieure en ayant vaincu
la bête immonde qui sommeillait en lui.
La suite de cette histoire est bien moins captivante et il me
faudrait plusieurs vies pour vous la raconter dans son entier.»
L’Homme se mit alors à éclater de rire, si bien que mon
verre explosa dans ma main.
« Cette histoire vous rappelle-t-elle quelque chose ? »
me demanda-t-il en me tendant un mouchoir de soie pour nettoyer ma main
des traces de vin.
J’étais impressionné par la puissance de sa voix et des
dégâts qu’elle avait pu faire subir au cristal de mon verre.
Je remarquais que son verre n’avait en rien souffert. Il y avait dans l’air
un parfum étrange.
« Et bien, j’ai dû étudier une version différente
à l’école quand j’étais plus jeune, je pense.
Mais pourquoi, au juste me racontez-vous cette légende
? Je ne vois pas bien où vous voulez en venir? Vous ne m’avez pas
juste fait venir ici pour me divertir de la sorte? »
J’avais l’air d’avoir fait mouche avec mes questions car il me regarda
avec beaucoup d’intérêt et il finit par me sourire.
« Tu m’étonneras toujours autant, tu ne changeras donc
jamais... »
Je pris l’air exagérément surpris de le voir me tutoyer
tout à coup.
« Excusez-moi, vous me tutoyez et je ne connais même pas
votre nom. »
« C’est à moi de m’excuser. Tu pourras m’appeler Aryaman,
Sekhmet !!
Laisse moi te rappeler ton nom, crétin des alpes! Tu t’appelles
Sekhmet. Tu as deux mille cinq cents quarante-trois ans. A l’époque
de ta première vie tu étais médecin à la cour
du pharaon Thoutmosis III, fils d’Hatshepsout et de Thoutmosis II. Tu es
un immortel comme Ismaël.
Tu es déjà mort vingt-cinq fois. Et tu as le malheur
d’avoir une tête comme une passoire.
Depuis deux mille ans je m’occupe de ta mémoire défaillante,.
Et comme une nounou, je m’occupe de tes petites vies.»
La frayeur m’envahit le corps et je me trouvais enfermé dans
une pièce clause avec un fou de la pire espèce.
« Ne m’approchez pas, j’ai fait du karaté, je pourrais
vous tuer d’un coup de poing. Ne m’approchez pas et laissez-moi partir
!!!! »
Calme et serein comme d’habitude, il hocha de la tête.
« J’aimerai bien voir ça !? »
Et il prononça quelques mots incompréhensibles, encore
une fois.
Sa litanie dura au moins un quart d’heure durant laquelle je restais
debout sans pouvoir bouger d’un poil.
Enfin son chant fini par être compréhensible à
mon oreille.
En fait, non, le chant restait le même, mais j’étais capable
maintenant de le comprendre.
La vérité se rétablissait enfin dans mon esprit...
Tout redevenait clair, comme normal et naturel.
« Aryaman, vieille canaille, vieux frère, tu m’as retrouvé,
encore une fois.
Et comme à chaque fois, j’ai l’air d’un demeuré...
Merci, je te revaudrai ça un jour prochain !!
Eléhazar, vieille branche, apporte nous à boire, Ce buveur
de sang a bien des choses à me raconter!!!! »